Des soldats ont arrêté lundi la plupart des membres du gouvernement soudanais et un grand nombre de dirigeants de partis pro-gouvernementaux lors d’un apparent coup d’État militaire, ont déclaré trois sources politiques, jetant le trouble sur une fragile transition vers la démocratie.
Le Premier ministre Abdalla Hamdok a été arrêté et transféré dans un lieu non divulgué après avoir refusé de faire une déclaration en faveur du coup d’État, a indiqué le ministère de l’Information. Les forces militaires conjointes qui maintiennent Hamdok en résidence surveillée font pression sur lui pour qu’il fasse une déclaration de soutien, a-t-il ajouté.
L’armée n’a pas fait de commentaire dans l’immédiat
Le Soudan est sur les nerfs depuis qu’un coup d’État manqué le mois dernier a déclenché d’âpres récriminations entre les groupes militaires et civils censés se partager le pouvoir après l’éviction de l’ancien dirigeant Omar el-Béchir en 2019. Omar el-Béchir a été renversé et emprisonné après des mois de manifestations de rue. Une transition politique convenue après son éviction a permis au Soudan de sortir de l’isolement dans lequel il se trouvait après trois décennies de règne de M. Béchir et devait conduire à des élections d’ici à la fin de 2023.
Les militaires avaient suscité des troubles dans l’est du Soudan et utilisé la crise pour mettre en œuvre un coup d’État contre le gouvernement de Hamdok, a déclaré le directeur de son bureau à la chaîne de télévision al-Arabiya. La prise de pouvoir s’est produite en dépit d’un accord conclu par M. Hamdok avec le chef du conseil de gouvernement, Abdel Fattah al-Burhan, en présence de l’envoyé spécial des États-Unis, Jeffrey Feltman, a-t-il ajouté, selon la chaîne basée à Dubaï.
La télévision d’État soudanaise a indiqué que M. Burhan ferait une déclaration sous peu.
Des manifestants ont franchi des barricades et sont entrés dans la rue entourant le quartier général de l’armée dans la capitale, Khartoum, selon des images diffusées par la chaîne de télévision Al-Jazeera Mubasher, basée au Qatar.
Les images ont également montré des soldats se tenant à l’écart alors que les manifestants les dépassaient et marchaient dans la rue. Citant des témoins, la chaîne de télévision Al-Arabiya a indiqué que des personnes avaient été blessées lors d’affrontements devant le quartier général de l’armée. Le ministère de l’Information a déclaré que les forces militaires avaient également arrêté des membres civils du Conseil souverain et des membres du gouvernement.
Dans une déclaration envoyée à Reuters, le ministère a demandé aux Soudanais « de bloquer les mouvements des militaires visant à bloquer la transition démocratique ». « Nous élevons nos voix avec force pour rejeter cette tentative de coup d’État », a-t-il ajouté.
Des forces conjointes de l’armée et des puissantes forces paramilitaires de soutien rapide sont stationnées dans les rues de Khartoum. Les militaires étaient censés transmettre la direction du Conseil souverain conjoint à une personnalité civile dans les mois à venir.
Mais la date de cette passation est restée incertaine, alors que les autorités de transition s’efforçaient d’avancer sur des questions essentielles, notamment celle de la remise de M. Béchir à la Cour pénale internationale. Ces dernières semaines, les responsables civils se sont félicités de certains signes timides de stabilisation économique après une forte dévaluation de la monnaie et la suppression des subventions aux carburants.
Une prise de pouvoir militaire contreviendrait à la Déclaration constitutionnelle du Soudan et mettrait en danger l’aide américaine
M. Feltman, qui était en visite au Soudan samedi et dimanche, a déclaré que les États-Unis étaient profondément alarmés par les informations faisant état d’une prise de contrôle militaire du gouvernement de transition au Soudan. Sur le Twitter officiel du Bureau des affaires africaines du Département d’État, M. Feltman a averti qu’une prise de pouvoir militaire contreviendrait à la Déclaration constitutionnelle du Soudan et mettrait en danger l’aide américaine. Les Nations unies sont profondément préoccupées par les informations faisant état d’un coup d’État et de tentatives visant à saper la transition politique du Soudan, a déclaré Volker Perthes, représentant spécial du secrétaire général de l’ONU pour le pays.
Les forces militaires ont pris d’assaut le siège de la radio et de la télévision soudanaises à Omdurman, la ville jumelle de Khartoum, et ont arrêté des employés, a indiqué le ministère de l’information sur sa page Facebook.
Deux grands partis politiques, l’Umma et le Congrès soudanais, ont condamné ce qu’ils ont qualifié de coup d’État et la campagne d’arrestations.
Selon le témoin de Reuters, des forces militaires et paramilitaires se sont déployées dans Khartoum, limitant les déplacements des civils, tandis que des manifestants portant le drapeau national brûlaient des pneus dans différents quartiers de la ville.
L’aéroport de Khartoum a été fermé et les vols internationaux ont été suspendus, selon la chaîne de télévision al-Arabiya, basée à Dubaï.