Le juge des référés du Conseil d’État a estimé que le gouvernement avait pris mi-octobre ces décrets qui risquaient de contrevenir au droit européen, et qu’il y avait donc « un doute sérieux sur leur légalité ».
Saisi en urgence par les défenseurs de la nature, le juge des référés du Conseil d’État a suspendu lundi les nouveaux arrêtés gouvernementaux autorisant les chasses traditionnelles aux oiseaux. Après une première annulation en août par la plus haute juridiction administrative du pays de plusieurs autorisations de chasse (grives, merles, vanneaux, pluviers dorés, alouettes des champs avec filets ou cages), le juge a estimé que le gouvernement avait pris mi – octobre ces nouveaux arrêtés sur le même fondement, risquant de contrevenir au droit européen, et qu’il y avait donc « un doute sérieux sur leur légalité ».
Une décision finale attendue « dans les prochains mois »
Après cette décision en urgence, « le Conseil d’État se prononcera sur le bien-fondé des recours contre ces arrêtés dans les prochains mois », souligne l’institution dans un communiqué. La directive européenne « oiseaux » de 2009 interdit les techniques de capture massive d’oiseaux sans distinction d’espèces. Une dérogation est possible « à condition d’être dûment justifiée et dès lors qu’ « il n’existe pas d’autre solution satisfaisante » pour capturer certains oiseaux ».
Les gouvernements français ont donc pris chaque année des arrêtés autorisant ces chasses traditionnelles dans certaines régions déterminées, avec des quotas d’individus chassables. La Cour de justice de l’Union européenne, saisie d’arrêtés similaires concernant la très controversée et emblématique chasse à la glu, avait jugé cette dernière non conforme au droit européen en mars 2021, suivie en juin par le Conseil d’État qui avait confirmé son illégalité.
Une victoire pour la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO).
Le ministère de la Transition écologique (MTE) avait pourtant repris huit arrêtés pour 2021-2022 pour d’autres chasses, retoqués début août par le Conseil d’État puis réapparus le 15 octobre, arguant que les textes apportent « les motivations nécessaires sur l’absence de solution alternative, la sélectivité, l’utilisation judicieuse et les faibles quantités » d’oiseaux tués.
Les arrêtés ont été immédiatement attaqués par les associations One Voice et la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), demandant leur suspension immédiate.
« La tradition ne peut justifier le non-respect des exigences de la directive Oiseaux », s’est félicitée la LPO, saluant une « grande et belle victoire ». « Avec une jurisprudence aussi constante, qui plus est relative aux mêmes pratiques, nous aurions dû nous arrêter là. C’était sans compter sur la faiblesse du gouvernement face au lobby de la chasse », a regretté l’association.
Le gouvernement attend une décision sur le fond
« Lorsque le Conseil d’État a déclaré illégales ces techniques de chasse traditionnelles le 6 août dernier, nous n’aurions jamais imaginé que le gouvernement oserait les autoriser à nouveau », a pour sa part réagi One Voice, dénonçant « la servilité à l’égard du lobby de la chasse qui, rappelons-le, défend un loisir et non une nécessité ».
Le ministère de la Transition écologique a pour sa part indiqué que « le gouvernement prend acte » de la décision, rappelant qu’ « il appartient désormais au Conseil d’État de se prononcer sur le fond ». « J’ai beaucoup de colère, d’amertume, de dégoût », a déclaré à l’AFP Willy Schraen, président de la Fédération nationale des chasseurs (FNC). « Je ne comprends pas cette volonté politique et juridique d’emmerder une poignée de Français sur quelque chose d’insignifiant », a-t-il ajouté, assurant que ces chasses « n’ont aucun enjeu en termes de biodiversité », notamment en termes de nombre d’individus pouvant être chassés avec ces techniques.