La France s’est temporairement retirée d’une opération de sécurité de l’OTAN au milieu d’une dispute majeure avec la Turquie.
Le ministère de la Défense a déclaré que la France avait suspendu son rôle dans l’opération Sea Guardian, accusant la Turquie de violer un embargo sur les armes contre la Libye.
Cela survient des semaines après que des navires turcs auraient ciblé un navire de guerre français en Méditerranée – ce qu’Ankara nie fermement.
On pense que les alliés de l’OTAN soutiennent différentes parties dans la guerre civile en Libye.
Rongée par la violence depuis la destitution du colonel Mouammar Kadhafi par les forces soutenues par l’OTAN en 2011, la nation riche en pétrole est un point de transit clé pour les migrants se rendant en Europe depuis l’Afrique.
Actuellement, le Gouvernement d’accord national (GNA) soutenu par l’ONU se bat contre les forces du général Khalifa Haftar, qui contrôlent de grandes parties de l’est et du sud de la Libye.
Pourquoi la France se retire-t-elle de l’opération?
Les relations de la France avec la Turquie sont devenues de plus en plus tendues ces derniers mois en raison de la crise libyenne, du rôle de la Turquie dans le nord de la Syrie et des forages dans l’est de la Méditerranée.
Mais l’incident majeur est survenu le 10 juin, lorsque la frégate française Courbet est allée inspecter un cargo battant pavillon tanzanien, Cirkin, au large des côtes de la Libye, pour vérifier s’il faisait de la contrebande d’armes.
A l’époque, le navire français participait à l’ opération Sea Guardian de l’OTAN qui, entre autres, maintient la liberté de navigation et joue un rôle de «contre-terrorisme maritime».
Ce qui s’est passé ensuite est toujours en litige. Selon les forces de défense françaises, les navires turcs escortant le Cirkin – qui, selon eux, transportaient des fournitures médicales – ont agi agressivement sur le Courbet, et l’ont même ciblé avec leurs systèmes d’armes à trois reprises.
La Turquie nie l’allégation française, affirmant que l’interaction était amicale. La France a depuis demandé à l’OTAN d’enquêter sur l’incident.
Les deux pays ont échangé des insultes ces dernières semaines. Lundi, le président français Emmanuel Macron a accusé la Turquie de “responsabilité historique et pénale” dans le conflit libyen, “pour un pays qui prétend être membre de l’OTAN”.
Le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, a déclaré mardi que la France avait été “destructrice” dans la nation nord-africaine, et a accusé le pays d’essayer “d’accroître la présence de la Russie en Libye”. Jeudi, il a demandé à la France de s’excuser pour ses allégations sur le Courbet.
Aujourd’hui, la France a suspendu son rôle dans l’opération Sea Guardian. “Cela n’a pas de sens de conserver nos atouts … avec des alliés qui ne respectent pas l’embargo”, aurait déclaré un responsable de la défense française.
La Turquie est en train de devenir une pierre dans la chaussure de l’OTAN.
Cette dernière dispute avec la France n’est que le dernier numéro à soulever des questions sur la position de la Turquie au sein de l’alliance. Les tensions sur son approche de la Libye viennent après des différences similaires entre Ankara et ses principaux alliés sur son approche interventionniste en Syrie. La Turquie a même retardé l’approbation des plans de défense de la Baltique dans le cadre de cette dispute.
Ensuite, il y a sa décision d’acheter des missiles de défense aérienne russes S-400 qui a entraîné sa suspension du programme de chasse américain F-35. Et pour couronner le tout, il y a des tensions plus larges en Méditerranée avec son rival de longue date et membre de l’OTAN, la Grèce.
La Turquie repousse les limites de ce qui est acceptable au sein de l’alliance. Mais étant donné les distractions de la pandémie de Covid-19 et l’attitude ambivalente du président Trump à l’égard de l’OTAN, de telles tensions sont susceptibles de mijoter.
Quel est le contexte?
Les deux parties à la guerre civile en Libye bénéficient d’un soutien international. La Turquie, l’Italie et le Qatar sont tous aux côtés du GNA à Tripoli, tandis que la Russie, l’Égypte et les Émirats arabes unis soutiennent le général Haftar.
La France, quant à elle, est également censée soutenir le général Haftar, bien que les dirigeants parisiens l’aient nié à plusieurs reprises.
Un embargo des Nations Unies sur les armes est en place pour empêcher les hommes et le matériel d’entrer dans le pays, mais il n’a eu que peu d’effet.
La Turquie a conclu un accord de coopération militaire avec le GNA en 2019 et a déployé des troupes dans le pays en janvier.
Le mois dernier, les forces du GNA ont finalement repris le contrôle total de Tripoli grâce à une aide accrue de la Turquie. Le général Haftar aurait retiré ses forces de la banlieue de la ville.
Un rapport de l’ONU divulgué en mai a déclaré que des centaines de mercenaires du groupe russe Wagner – dirigé par Yevgeny Prigozhin, un proche associé du président Poutine – opéraient en Libye pour soutenir le général Haftar.
Selon certaines informations, le groupe Wagner évacue du pays, bien que cela n’ait pas été confirmé.